Le nouveau règlement européen relatif aux dispositifs médicaux MDR (UE) 2017/745 a deux objectifs principaux : garantir un niveau élevé de protection de la santé pour les patients et les utilisateurs, et fixer des normes élevées de qualité et de sécurité des dispositifs médicaux.
Pour ce faire, il renforce considérablement certains aspects de l’approche
réglementaire tels que :
Pour ce faire, il renforce considérablement certains aspects de l’approche
réglementaire tels que :
- La supervision des organismes notifiés (notified bodies),
- Les procédures d’évaluation de la conformité,
- Les investigations cliniques et l’évaluation clinique,
- La vigilance et la surveillance du marché.
Il introduit en outre des dispositions garantissant la transparence et la traçabilité des dispositifs médicaux.
Ainsi, tous les acteurs présents dans le cycle de vie d’un dispositif médical sont impactés par le nouveau règlement.
La Suisse a également adapté ses bases légales au règlement européen.
Ainsi, l’Ordonnance sur les dispositifs médicaux (ODim) a été révisée par le Conseil fédéral pour intégrer les différents aspects du nouveau règlement (décision du 1er juillet 2020, entrée en vigueur au 26 mai 2021).
Nous allons par la suite identifier les impacts du nouveau règlement pour les services biomédicaux en Suisse, en particulier sous l’angle de la gestion des dispositifs médicaux au sein d’un établissement de santé, notamment au travers des activités suivantes :
- gestion des achats des dispositifs médicaux,
- gestion de l’inventaire et de la traçabilité,
- gestion de la maintenance,
- gestion de la vigilance,
- Management de la qualité et gestion des risques
Gestion des achats
La situation particulière liée à l’arrêt des négociations concernant l’accord-cadre institutionnel entre la Suisse et l’UE n’a pas permis la mise à jour de la reconnaissance mutuelle en matière d’évaluation de la conformité (MRA : Mutual Recognition Agreement), qui s’imposait à partir du 26.05.2021.
La Suisse a ainsi instauré l’obligation de désigner un mandataire en Suisse (CH-REP) pour les fabricants étrangers et une obligation d’enregistrement auprès de
Swissmedic pour les opérateurs économiques.
Dans son aide-mémoire sur les achats de dispositifs médicaux (1), Swissmedic
attire ainsi l’attention sur le fait que les établissements de santé qui importent des
dispositifs médicaux (pour une utilisation directe) sans mandataire Suisse ne sont
pas couverts par les dispositions relatives à la responsabilité de l’art. 47d LPTh (Loi
sur les Produits Thérapeutiques). Dans ce cas, aucun opérateur économique suisse
n’est responsable des formalités et des questions de sécurité.
Autrement dit, la responsabilité de la surveillance (mesures correctives de
sécurité, …) revient entièrement à l’établissement de santé.
Cette situation devrait donc rester exceptionnelle et dûment justifiée selon la
recommandation de Swissmedic.
Les autres conséquences de la nouvelle réglementation sur la gestion des achats sont les suivantes :
- L’établissement de santé est responsable de s’assurer que les dispositifs
médicaux portent un marquage de conformité valide. Il convient donc
d’organiser cette vérification. Les «dispositifs médicaux hors DIV (Diagnostic In Vitro)» munis d’un certificat UE valide en vertu de l’ancienne réglementation (hors dispositifs médicaux de classe I munis d’une déclaration de conformité antérieure au 26 mai 2021) peuvent être mis sur le marché jusqu’au 26 mai 2024. Ces dispositifs peuvent être mis à disposition dans la chaîne de distribution jusqu’au 26 mai 2025. Pour les dispositifs médicaux de classe I munis d’une déclaration de conformité antérieure au 26 mai 2021, un certificat UE devient nécessaire conformément à la nouvelle réglementation.
- L’établissement de santé est responsable de s’assurer que les dispositifs
- Au moins pour les dispositifs médicaux implantables de classe III, les
établissements de santé sont tenus de saisir (de préférence par des moyens
électroniques) les UDI des dispositifs médicaux qui leur ont été fournis ou qu’ils
ont fournis. L’UDI (Unique Device Identifier), est une série de chiffres ou de lettres créée
selon des normes internationalement acceptées d’identification et de codification
de dispositifs et qui permet l’identification formelle de dispositifs donnés sur le
marché.
- Au moins pour les dispositifs médicaux implantables de classe III, les
- Les dispositifs médicaux implantables doivent être fournis avec une carte
d’implant dans les trois langues nationales (sauf : sutures, agrafes, produits
d’obturation dentaire, appareils orthodontiques, couronnes dentaires, vis, cales,
plaques, guides, broches, clips et dispositifs de connexion). Les établissements de
santé doivent indiquer l’identité du patient dans le certificat d’implant et
remettre ce document au patient.
- Les dispositifs médicaux implantables doivent être fournis avec une carte
Cette exigence supplémentaire a bien sûr une incidence sur la logistique interne des dispositifs.
Gestion de l’inventaire et de la traçabilité pour les dispositifs
médicaux soumis à maintenance
La définition du dispositif médical a été adaptée dans le nouveau règlement, de la façon suivante :

L’intégration du logiciel dans la définition du dispositif médical n’est pas sans conséquence, et la gestion de leur recensement est nouvelle et complexe.
Comme le souligne V. Boissart, ingénieure biomédicale responsable au Centre
hospitalier de Luxembourg, dans son article « Impacts du nouveau règlement
2017/745 sur la gestion biomédicale des dispositifs médicaux » (2), il y a lieu de
s’interroger sur tous les éléments de périphérie qui permettent à une application
logicielle de fonctionner (PC, OS, serveur, base de données, réseau, …) et de
privilégier une approche de « solution fonctionnelle » afin de déterminer la logique
de recensement.
La dimension logicielle implique une évolution des connaissances et/ou une évolution des organisations et des responsabilités entre les services d’ingénierie / de maintenance biomédicale et les services informatiques.
L’inventaire doit également tenir compte :
- De l’UDI du dispositif médical,
- Du changement possible de la classe de risque (I, Is, Im, Ir, IIa, IIb, III), qui doit être intégrée (avec des conséquences sur les plans de maintenance),
- Du statut du dispositif médical, jusqu’à la mise au rebut.
Ce dernier point implique par ailleurs que les dispositifs médicaux en prêt pour un test ou une démonstration soient tracés, afin de pouvoir assurer leur surveillance.
Gestion de la maintenance
Dans son chapitre 71, l’ODim rappelle que :
« La maintenance doit obéir aux principes d’un système de gestion de la qualité et
être organisée et documentée adéquatement; elle se fonde:
a. sur les instructions du fabricant;
b. sur les risques inhérents au dispositif et à son utilisation. »
Par ailleurs, on entend par :
« maintenance »: des mesures telles que l’entretien, les mises à jour logicielles, les
inspections, les réparations, la préparation à la première utilisation et les
retraitements en vue de réutiliser, de maintenir ou de rétablir le bon fonctionnement
d’un dispositif.
L’évolution des classes de risque a des conséquences directes sur les plans de
maintenance.
Un dispositif médical qui passe dans une classe de risque supérieure devra
également faire l’objet d’une mise à jour de son plan de maintenance.
La question des mises à jour logicielles rejoint le point déjà évoqué dans le
paragraphe précédent, notamment en ce qui concerne l’évolution des
responsabilités et des organisations internes.
Enfin, la cybersécurité est un élément à intégrer, comme indiqué dans l’article 74 :
« 1- Les établissements de santé prennent toutes les mesures techniques et
organisationnelles nécessaires conformément à l’état de la technique pour protéger les
dispositifs pouvant être connectés à un réseau contre les attaques et les accès
électroniques.
2- Les hôpitaux identifient, évaluent et documentent les mesures visées à l’al. 1
conformément aux principes d’un système de gestion du risque. Ce dernier fait partie
intégrante du système de gestion de la qualité des hôpitaux. »
La liste de contrôle de Swissmedic pour une inspection relative à la maintenance
(4) est particulièrement intéressante afin de dresser un état des lieux de la prise en
charge de la maintenance, et cas échéant, de mettre en œuvre un plan d’actions.
Gestion de la vigilance
La surveillance du marché est définie en matière de compétences à l’article 76 de
l’ODim :
« Swissmedic est responsable de la surveillance:
a. des dispositifs et de leur conformité;
b. de la vigilance;
c. de la maintenance et du retraitement des dispositifs:
1. dans les hôpitaux,
2. destinés à être utilisés dans les hôpitaux »
Il est ici aussi particulièrement intéressant de s’appuyer sur la Liste de contrôle de
Swissmedic pour les inspections relatives au système de vigilance relative aux
dispositifs médicaux (5).
Un état des lieux et cas échéant un plan d’actions peuvent ainsi être mis en œuvre.
Système de management de la qualité et de gestion des risques
Au vu de tous les éléments mentionnés précédemment, et conformément aux objectifs de la règlementation, il est indispensable de mettre en place un système de management de la qualité et de gestion des risques.
Les fabricants s’appuient largement sur la norme ISO 13485:2016, qui pourrait également convenir à un établissement de santé, mais reste très orientée conception, production, ….
La norme ISO 9001 :2015 me semble plus adaptée et peut constituer un référentiel pertinent.
Conclusion
Les impacts de la nouvelle règlementation sont nombreux et profonds pour les hôpitaux et ses acteurs.
L’évolution du périmètre du dispositif médical met en lumière la nécessité d’une évolution des connaissances et/ou de l’organisation pour tenir compte de la dimension logicielle notamment.
Comme le recommande Rafael Moreno, inspecteur hospitalier Medical Devices Hospitals, dans sa présentation du 2 septembre 2021 (Exigences à l’égard des établissements de santé) (3), il peut être intéressant de mettre en place une « task force » avec les services concernés par les impacts de la réglementation, afin de réaliser un état des lieux et définir des mesures et des délais.
Le management de la qualité et la gestion des risques sont plus que jamais indispensables.
Les conséquences peuvent paraître complexes, notamment pour des hôpitaux de taille moyenne.
Cela dit, en adoptant une démarche pragmatique et adaptée à chaque organisation, en s’appuyant sur les guides et les recommandations des autorités de surveillance ou des organisations professionnelles, ces évolutions sont de réelles opportunités d’amélioration et d’évolution.
(1)Swissmedic, Aide-mémoire, Achat de dispositifs médicaux dans les établissements
de santé, VM-ID : MU600_00_006f / V4.0 / nem / kom / 26.05.2022
(2)V. Boissart, Ingénieure biomédical responsable, centre hospitalier du
Luxembourg, Impacts du nouveau règlement 2017/745 sur la gestion biomédicale
des dispositifs médicaux, revue IRBM News 2021 ; 42 (2) : 100300
(3)Rafael Moreno, inspecteur hospitalier Medical Devices Hospitals, Informations sur
la nouvelle réglementation sur les dispositifs médicaux, Jeudi 2 septembre 2021
(4)Swissmedic, Liste de contrôle pour une inspection relative à la maintenance, VM-ID
: IN615_00_005f / V2.0 / kha / coj / 26.05.2022
(5)Swissmedic, Liste de contrôle pour une inspection du système de vigilance relative
aux dispositifs médicaux (déclarations d’incidents graves liés aux dispositifs
médicaux et avis de sécurité), VM-ID : IN615_10_004f / V2.0 / kha / coj / 26.05.2022
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